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La couleur du papier
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20 juin 2013

Le Blues du Démon - Chapitre 2

Le vieil homme s'interrompit un moment pour écraser son mégot. Finir son verre de scotch jouait aussi dans la case des priorités, et il enchaîna sur la discussion avec quelques accords fleurant bon l'Écosse profonde. Diamétralement opposé à son premier registre, mais d'une beauté toujours troublante. Alizée se replaça silencieusement sur sa chaise, attendant qu'il poursuive.

Ce qu'il fit. Son histoire avait, en plus du précédent, un accent hasardeux lié au whisky. Ladite liqueur avait sans doute aussi à voir avec le fait que lui, d'ordinaire si silencieux, se permettait d'ouvrir les portes de son passé à une parfaite inconnue ; fut-elle aussi charmante qu'Alizée.

24 octobre 1955, 23h54.

Un carrefour de quatre petites routes de terre, "dans un coin paumé de la campagne irlandaise", près de ces "putains de highlands".

Le soir était tombé plus vit e que Bartholomew ne l'avait espéré. Le brouillard, ou, comme il aimait à se rassurer, "la légère brume" qui s'était levée une heure auparavant n'avait pas aidé. Impossible de savoir par où rentrer, par où partir. On pouvait tout aussi bien arrêter la phrase à "impossible de savoir par où". Le jeune Bartholomew avait alors à peine vingt-quatre ans, un jeune adulte un brin maigrichon, aux cheveux épais et frisés jusqu'à la racine, avec un air d'assurance puérile derrière une barbe fournie (ou du moins, bien fournie pour son âge). L'assurance en question avait diminué avec le froid, rétrécie au traitement infligé par le mur opaque et gris du brouillard, et disparue dans le dernier rayon du soleil couchant.

Résolu à passer la nuit dans ce qui restera gravé dans sa mémoire comme un tournant de son existence, Bartholomew s'était enveloppé dans un manteau de cuir confortable, à l'intérieur duquel il se sentait comme un poisson rouge dans une piscine olympique. La montre de son grand-père était restée dans le tiroir supérieur de sa table de chevet, aussi n'avait-il aucune idée de l'heure exacte. Ce n'est que lorsque ses oreilles saisirent, au loin, les tintements sonores des douze coups de minuit qu'il sut à la fois l'heure exacte, et où il devait diriger ses pas. Mais tandis que le jeune homme partait, frigorifié, en direction du clocher probable, un autre son se fit entendre derrière lui. Un son bien précis, particulier, qui tintait également, en un sens. Ce son, c'étaient les notes d'un air tel qu'il n'en avait jamais entendu.

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